Jouvence, un nouveau petit ARN nucléolaire humain impliqué dans le contrôle de la prolifération cellulaire

Flaria El-Khoury, Jérôme Bignon, et Jean-René Martin.

Les petits ARNs nucléolaires (snoRNAs) sont des ARN-non-codant conservés des archaebactéries au mammifères. Ils sont associés, dans le nucléole, avec des protéines pour former les ribonucléoprotéines. Ils sont subdivisés en deux catégories, les boîtes C/D et les boîtes H/ACA, et servent généralement à modifier les ARN-ribosomaux. Les boîtes H/ACA convertissent l’uridine en pseudouridine. Chez l’humain, certaines pathologies ont été associées à des snoRNAs, alors que plusieurs snoRNAs ont été impliqués dans différents cancers.

Récemment, l’équipe de JR Martin à NeuroPSI, a identifié, chez la Drosophile, un nouveau snoRNA, nommé jouvence, et montré que ce dernier, requis dans l’épithélium de l’intestin, est impliqué dans la détermination de la durée de vie. Sa surexpression augmente la durée de vie et protège contre les effect délétères dus au vieillissement, dont notamment les lesions neurodégératives. Comme les snoRNAs sont très conservés au cours de l’évolution, tant structurellement que fonctionnellement, l’orthologue de jouvence a été identifié chez l’humain (il n’était pas annoté dans le génome).

Dans une étude parue dans BMC-Genomics, les chercheurs de l’Institut des Neurosciences Paris-Saclay, ont caractérisé le rôle du snoRNA-jouvence chez l’humain et montré, en culture cellulaire, que la surexpression de jouvence augmente la prolifération cellulaire. Inversement, la diminution de jouvence (knock-down par des siRNA), diminue la prolifération, voire même élimine les cellules, et ce, tant sur des cellules immortalisées de type cancéreux, que sur des cellules primaires. Une analyse transcriptomique a révélé que les cellules sur-exprimant jouvence montrent une signature génomique de dé-différentiation cellulaire, alors que celles sous-exprimant jouvence montrent une diminution de l’expression des gènes impliqués dans la genèse des ribosomes et le spliceosome.

En résumé, l’expression d’une seul petit ARN non-codant de 159 nucléotides (snoRNA-jouvence) semblent suffisant pour dé-différentier les cellules vers une phénotype « cellules souches », en accord avec le concept de rejuvénation. Inversement, sa diminution bloque la prolifération cellulaire, notamment celle des cellules cancéreuses. Par conséquent, nous faisons l’hypothèse que la surexpression de jouvence représente potentiellement un nouvel outil prometteur pour lutter contre les effets délétères dus au vieillissement, alors que sa diminution (knock-down) pourrait représenter une nouvelle approche thérapeutique contre les cancers.

Article paru dans BMC GenomicsVoir le site